PETITE HISTOIRE N°21

 
Crédit photo : OpenClipart-Vectors de Pixabay

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Le 19 octobre 2019

Petit, légèrement voûté, l’homme descendit lentement du train. Sur le quai, il se retourna, se pencha à l’intérieur du wagon et attrapa son encombrante valise, la souleva et la tira vers lui en ahanant, fit un pas de côté pour ne pas gêner les quelques passagers puis la posa en soufflant près de lui sur le sol.

Il rajusta son chapeau noir sur ses cheveux gris, lissa le col de son manteau de la même couleur, entoura son écharpe bleue autour de son cou, écarta les pans de son vêtement, croisa soigneusement les bouts de son cache-col sur sa poitrine et ferma chacun des boutons de son pardessus. Il enfila ses gants et glissa un index entre chaque doigt afin de bien positionner le cuir noir. Puis il saisit la poignée de son bagage et, légèrement penché sur le côté, se mit en route, à petits pas précautionneux.

L’homme fit une halte à mi-chemin, posa son lourd chargement, serra et desserra plusieurs fois son poing fatigué, fit le tour de sa valise et la reprit dans l’autre main.

Devant la gare, il patienta dix minutes dans la file de voyageurs avant de prendre à son tour un taxi qui s’arrêta une dizaine de minutes plus tard au bout de sa rue. Le chauffeur, qui avait placé son bagage dans le coffre, lui proposa son aide pour l'en sortir, il accepta en souriant et le remercia d’un généreux pourboire.

Il avançait lentement sur le trottoir, observait où il posait ses pieds, évita plusieurs crachats et déjections canines, parvint à la boulangerie.

— Bonjour, monsieur Perrin, vous voilà de retour ! Votre maman va bien ?
— Bonjour, madame Dupont. Oui, je vous remercie, elle se porte à merveille. Le personnel de la maison de retraite est toujours aussi charmant. Maman est bien là-bas.
— C’est dommage qu’elle soit si loin.
— Certes, mais elle y a toutes ses amies. Je ne peux décemment pas l’arracher à cet endroit où elle est si bien entourée pour le seul confort de m’éviter ces déplacements.
— C’est sûr ! Et puis un weekend par mois, ça ne fait que douze voyages dans l’année. C’est pas tant que ça, finalement.
— Tout à fait, madame Dupont.
— Ah ! Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un fils comme vous, monsieur Perrin. Ce sera comme d’habitude ?
— Comme d’habitude, madame Dupont.
La boulangère déposa les deux moitiés d’une baguette dorée sur le comptoir, emballa une tartelette aux pommes.
— Ça fera quatre euros quarante, monsieur Perrin. Je vous mets le tout dans un sachet ?
— Je vous en remercie, madame Dupont.


Il repartit, à petits pas, passa devant l’agence immobilière qui lui appartenait et dont le rideau de fer était baissé en ce lundi. Il déverrouilla la porte de la maison de ville attenante et pénétra dans le couloir où il s’essuya longuement les pieds sur le paillasson. Puis il se libéra de son chargement, retira son manteau, son écharpe et ses chaussures, enfila ses chaussons. Il accrocha son chapeau sur la boule de la rampe, son manteau et son écharpe dans la penderie de l’entrée.


Il emporta le sachet dans la cuisine où il rangea la première moitié de baguette dans le sac à pain, la seconde dans le congélateur, et plaça le gâteau dans le réfrigérateur. Il retourna dans le couloir où il reprit son bagage, se dirigea vers sa chambre et le posa sur le banc au pied du lit. Il en sortit les vêtements qu’il ordonna soigneusement sur les étagères de la belle armoire de merisier, le referma et le transporta dans le salon.


Là, il saisit la télécommande placée à côté du grand écran et y pianota un code. La bibliothèque glissa le long du mur, dévoilant une petite pièce dont l’éclairage s’alluma automatiquement. Il attrapa une dernière fois la poignée et souleva en soufflant, pénétra dans le local secret, posa la valise, l’ouvrit et en retira le double fond.


Aux crochets régulièrement disposés sur les parois, il suspendit les armes une à une.


Il regarda sa montre. Son client arriverait dans dix minutes.